Non, docteur, ne partez pas, je vous en conjure. (Fragonard, le verrou).

Ici je viens souvent déballer un sacré tas de conneries (c'est un exutoire) qui favorisent une certaine légèreté dans mon petit être hautement...névrosé (?) sensible.

Mais comme tout le monde, j'ai des peurs, plus ou moins raisonnées, plus ou moins valables, certaines me font penser que j'ai un vrai désordre moral, que je suis mûre pour passer disons, deux siècles en thérapie sans pouvoir pour autant prétendre à la guérison, bref. Donc, au lieu de débiter des inepties parfaitement superficielles comme à mon habitude, je vais dresser la liste de mes maladies imaginaires.

Oui, ça peut me faire prendre cela à la dérision ("Dérision is guérison, leave 530€ on the guéridon" H.Hugues, in "je vais mal, pourvu que ça dure"). Oui, cela va donner une vision d'ensemble des failles, brêches, fossés, canyons, dorsales marines de mon pathos, ça ne rassurera peut-être personne mais qui sait, la science peut avancer grâce à ce genre de test in-vivo.

- Les cancers de zones improbables. J'ai déja suspecté (diagnostiqué?) un cancer: du menton, de la dent dévitalisée, de la peau, du muscle, des méninges, de la digestion, de la respiration.

- Les angoisses à pointe. J'ai déja éprouvé: peur panique en lieu ouvert, en lieu clos, en lieu sûr, en lieu connu, en sept lieues, et une fois, en vingt mille lieues sous les mers.

- Les peurs du lendemain. J'ai déja craint: de ne pas me réveiller (jamais, genre: la mort) de me réveiller et que tout mon entourage soit mort, de me réveiller folle, de me réveiller en Tchétchénie, de me réveiller dans un camp de concentration, de ne plus arriver à rien, d'avoir un AVC nocturne, d'avoir un arrêt cardiaque nocturne, une suée nocturne, une visite nocturne, une énurésie nocture, une nuit nocturne.

- Les terreurs du jour. Il peut m'arriver de frémir à l'idée: que mon lieu de travail soit la cible d'un tueur fou, d'une tueuse sensée, d'un communiste, d'un anarchiste de gauche, d'un nanar de droite, d'un gang de japonais, de CRS en exercice civil, de robots à moustaches, de scouts armés jusqu'aux dents, de preneurs d'otages, d'une attaque d'anthrax, de gaz lacrymogènes, de pluies acides. Je peux aussi trembler en pensant qu'un enfant s'étouffe avec un petit pois, s'électrocute en mâchonnant un fil électrique, tombe la tête la première sur le bitume de la cour, chute du quatrième étage, se coupe un membre en jouant avec la tronçonneuse du factotum de la boîte.

- Les frayeurs de demain. Je crains: que mon univers vacille, de perdre la raison, de perdre le sens commun (curieusement, je n'ai pas peur de perdre mon job, alors que c'est bien plus probable que le reste), de perdre la possibilité de communiquer, ma réputation, mon prestige professionnel, qui n'existe d'ailleurs qu'à mes yeux (parfois celui de mes élèves, quand je passe sur de menus incidents sans les clouer au pilori).

Bon ça ira pour ce soir, mais ceci n'est évidemment et malheureusement pas exhaustif. Bah non, la vie serait tellement trop simple si ce n'était que ça.

LA MALADE (IMAGINAIRE?)

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