BELLE COMME I.

Aujourd'hui, j'ai retrouvé ma coupine du bureau, une coupine qui a soufflé ses 60 bougies avec une vitalité sublime, des jolies rides au coin des yeux, bref une très très belle femme qui m'a toujours donné envie d'être vieille, enfin, non, plutôt qui m'a donné à voir à quel point une nature certes bien dotée au départ pouvait passer le temps sans l'obligation de se traficoter de partout.

I. est une personne lumineuse, hyper-sportive -parents profs d'éducation physique, jeunesse à l'UCPA, skieuse hors pair (elle a failli se tuer l'année de ses 58 ans en dévalant hors piste à plat sur le visage...mais comme la beauté d'I. est doublée d'un très chic sens de la dérision,en guise de faire part (elle n'a pas pu venir au bureau, un mois d'immobilisation tout de même), elle nous a envoyé la photo de son visage complètement massacré, saccagé, labouré, les yeux au beurre noir-violet, le pif sanglant avec les mèches de coton et tout le tintouin)-, un style vestimentaire adapté et recherché qui la rend encore plus séduisante. I, c'est GrandeMILF, la séduction à fond, intelligente, cultivée, subtile, voyageuse...et là dessus vraie mamie gâteau, donc même pas embarrassée d'être sexytenaire. La classe intégrale, quoi. (S'est en plus trouvé un joli médecin de quinze ans plus jeune en guise de compagnon depuis dix ans, je dis: respect, ma coupine.)

Alors aujourd'hui, retrouvailles, on échange sur les adresses que je lui avait fournies pour voir les beaux coins de la côte Ligure, et qu'elle a adoré (flattéeflattée je suis)..mais hmmm un truc coince, je mets pas le doigt dessus .....AHHHHHHH NOOOON!

Horreur, c'est ça, c'est pas possible et pourtant: I.-la-magnifique A FAIT QUELQUE CHOSE. Quelque chose comme l'évidence d'une piqûre entre les sourcils, mais aussi comme deux autres piqûres dans les pommettes, trois fois rien, ça ne saute aux yeux qu'aux gens qui passent leur amitié à contempler ce modèle de femme..et moi, je le vois. Comment I. a-t-elle pu céder aux sirènes et engager un pas dans cet engrenage-là, l'engrenage des autres, des pas-comme-elle,  elle qui remplissait toutes les cases de la naturalité, du bien être? Je suis hyper ennuyée, je n'arrive pas à la regarder vraiment tellement son regard n'est PLUS son regard, et tellement quelque chose comme de l'artifice s'est mis entre nous. Ce n'est pas le problème de lui poser la question "tu as fait un petit truc?", c'est juste que la vraie interrogation serait "mais qu'est ce qui t'as pris de toucher à quoique ce soit?". I. n'aura pas souhaité modifier la réalité, je la connais et cela ne lui ressemble pas, non. Je crois qu'elle a voulu juste se donner un petit air frais de plus, mais moi ça me pose là. Je me demande comment je vieillirais, et comment j'accepterais les années. Est ce que le regard des autres me suffira pour me sentir au top de mon âge, ou est-ce que j'aurais du mal à laisser venir les décennies?

I. n'a rien commis en terme d'infraction, bien sûr..mais cela me donne à beaucoup réfléchir (ce qui va creuser ma ride du lion, hein..d'ailleurs peut-être qu'à craquer un jour, autant que ce soit à titre préventif).