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Marieposte
19 mai 2012

FIF. ÉTUDE DE TERRAIN.

Certes, ma bonne ville est une vieille excentrique, depuis qu'elle a été sacrée capitale du cinéma, tout le monde à un petit bout de pellicule dans la tête. Il y a des périodes plus propices que d'autres, et le FIF est le summum en matière de fiction urbi et orbi.  Le cinéma est dans la rue, dans le peuple qui vient vivre ce grand show médiatique, dans un tourbillon de paillettes moirées. 

QUI SONT CES GENS?

-Le journaliste. Deux options. Le journaliste lancé: généralement employé par une publication stratégique pour le monde du 7eme art. Est hebergé non loin du Bunker, où son accréditation lui permet de visionner la sélection officielle. Toute la sélection. Avant de rendre compte de manière très professionnelle de son ressenti, peut compter sur le calme qui règne au Majestic (au Martinez, les équipes de canal+ font la bringue) pour se reposer avant de pointer son nez à une, voire deux soirées, où il a un confrère à voir, mais n'en partira pas trop tard, pour reprendre son activité le lendemain. Cannes, c'est un boulot à temps plein, où il vaut mieux tenir la semaine pour garder sa place de chroniqueur, sa crédibilité, des bonnes relations avec le room service.  

Le journaliste pas encore lancé. L'aspirant pigiste inconnu. Mais qui espère, nonobstant, sortir un papier qui lui vaudra la prospérité dans le sérail, et lui ouvrira les portes du palais. En attendant, il campe devant les files, avec un panneau de carton "une invit' please", sous la pluie qui ne manque pas de tomber sur la ville. Logé par un pote, ou plus périlleux, prêt à dormir sur la plage (ce qui arrivera de toutes façons au bout de deux jours, le pote lui ayant repris les clefs, excédé par ses horaires  bordéliques). Au bout de très peu de temps, faire le piquet en bas des escaliers lui prend la tête, le cinéma lui prend la tête, il finira par loucher sur le people partout présent, en se disant qu'un bon gossip pourrait faire l'affaire. Il squatte les buffets, les soirées auxquelles il parvient miraculeusement à accéder, finit effectivement par dormir n'importe où, et rentre à Paris bredouille, saoul, et sans chaussures, via un TGV dans lequel les contrôleurs ont échangé son aller simple en échange de scoop sur Lopie Morceau (plus un autographe au dos de son bout de carton).

-L'actrice. Deux options. L'actrice montante. Vient de sortir son joli minois dans un film d'auteur au fort succès. Espoir de la nouvelle image du cinéma, c'est la pouliche incontournable sur qui tout le monde parie, sans se tromper. Une armada de journalistes, une série d'interviews, deux passages au 20h, la team Boréale pour sa photogénie, jusqu'aux soirées les plus hype, tout le monde la veut, elle est invitée partout, et partout on la voit. Selon son degré de détachement, Cannes sera un tremplin, un trauma, une très belle aventure. Elle y reviendra un, deux, six ans plus tard, repensant avec un souvenir ému pour la jeune première qu'elle était. 

L'actrice II. Était cette jeune première, il y a longtemps de cela.  A été jeune, courtisée, adorée, mais aucun scénario suffisamment fort n'est venu dorer son blason, sa filmo est restée tiède, et d'actrice populaire est devenue second rôle. Et de second rôle, personnalité falote et invisible. N'étant plus sur la A-list des grands hôtels, n'étant plus muse ni amie proche d'un réalisateur pour qui elle aurait compté, elle regarde de loin, derrière son écran Tv la cérémonie d'ouverture en trouvant que le monde du cinéma n'est plus vraiment pareil. Certaines s'accrochent, et louent une chambre dans le dernier pierre& vacances disponible, à Mandelieu, où quelques briscards à la mémoire d'éléphant lui parleront de ses apparitions d'antan, lui redonnant pour quelques heures un éclat de zircon.*

-Le serveur. Pète un câble pendant les dix jours que dure le FIF, et assure sans perdre son sourire les trois cent cinquante couverts par service qui font de lui une petite chose épuisée. Ne profite de l'augmentation des tarifs que de manière superficielle, mais se souviendra toute sa carrière des pourboires royaux qu'on lui accordera (ne fonctionne pas dans les restaurants situés en dehors du périmètre royal Suquet/ Palais /Martinez).  Est parfois dragué lourdement par la catégorie de personnel la plus représentée ici:

-La cagole. Présente en masse compacte, dense, poly-forme, voire protéiforme, selon le régime qu'elle s'impose depuis deux semaines, pour être la plus belle pétasse de la côte. À préparé sa panoplie, à base de bijoux de goût douteux, mi-bling mi-toc, de robe prétentieuse trouvée dans une rue piétonne cannoise à haut niveau de distinction, mais hélas, le climat étant ce qu'il est à ce moment de la vie sur la côte, finira avec le gros gilet en pur acrylique bouloché qu'elle espérait ne jamais devoir enfiler. La cagole nourrit des ambitions proportionnelles à son échec à venir: se faire repérer (au milieu de trois mille exemplaires identiques) par un pygmalion qui saura lui donner tout le lustre qu'en attendant, elle accroche à ses oreilles. Être la nouvelle star d'aujourd'hui, et de demain, et ce, sans le moindre soupçon de talent. Applaudit l'apparition des programmes de télé réalité, même si son aura cinématographique devrait la pousser à pleurer, plutôt, la disparition des Hot d'or.  L'âge de la cagole est un élément parfaitement imperméable à la dignité, et à la réserve, il est donc parfaitement envisageable de croiser a) la femme du comptable b) la dame de la bibliothèque c) n'importe qui qu'on croyait distinguée, en tenue de mère maquerelle légère, total syndrome j'aurais voulu être une artiiiiiiiiiiste. La cagole accepte de payer son cône vanille-fraise au triple tarif de l'ordinaire, courtise les employés municipaux pour gratter une place dans le grand auditorium, ne comprend rien au film que l'on projette, mais est ravie d'avoir aperçu un bout de la mèche de Michael Douglas.

Ensuite, la tête pleine de rêves dorés, d'illusions glamour et chic, la cagole regagnera ses pénates limitrophes, continuera à fustiger les fonctionnaires (que des feignasses) les instits, les assistés de la république, bref, la plupart de ses congénères, héros d'un quotidien terne qu'elle fera tout pour oublier, jusqu'au mois de mai prochain.

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